Sensation étrange, besoin de faire le point sur une vie partie trop loin sans moi. Besoin de faire un bilan de ce début d'année scolaire, qui me rapproche un peu plus d'une nouvelle vie, dans un an et demi. Année scolaire peu banale, effrayante, étrange, mystérieuse. Année de déboires, de renouveau aussi ; comme si chaque seconde avait une saveur nouvelle. Alors, nécessairement, je goûte à de nouvelles choses, de nouvelles formes de frustration, de douleur, mais aussi de plénitude et de béatitude. Je tâte toutes les coutures du champ émotionnel, du désespoir à la rage de vaincre, de la motivation à la peur, du désir profond au dégoût intolérable. Je ne chante plus le monde, je ne le crie plus non plus.
Je me suis trop longtemps battu contre moi même. Erreur de jeunesse, naïveté d'enfant gâté qui arrive à tout. Je me suis battu contre moi même jusqu'à en saigner, des plaies béantes suintantes de la douleur du silence étouffé. J'ai refoulé tant de fois toutes ces choses, j'ai avorté tant de tentatives de libération, par peur, par rancoeur aussi. Par rancoeur contre moi, elle, eux. Par peur de moi, d'elle, d'eux. Je n'ai jamais fais le moindre faux pas, jusqu'à cette année, où je me suis plu dans l'échec. Oui, j'existais autrement, pour moi, elle, eux. Complaisance malsaine, jusqu'à ce que le naturel revienne au galop, à cause de la peur de demain, du malheur occasionné. Et puis j'ai écris, des lignes, des lignes, encore des lignes, ici, ailleurs, pour exorcisé tant de temps de silence comblé par la réussite. J'aurais pu en pleurer, souvent, mais je n'ai jamais su comment faire. La machine sentimentale est fragile, et la roue émotionnelle tourne encore et encore, d'un jour à l'autre, sans ne jamais vouloir s'arrêter. J'ai souvent voulu en parler, pour moi, elle eux. Jamais je n'ai pu, et jamais je ne pourrais, parce que l'avouer reste l'admettre, et je ne suis pas encore sûr de vouloir l'admettre. Avec elles, je peux émettre des hypothèses, pas avec mes parents. Le choix, je ne l'ai jamais eu...
Moi, jeune garçon de presque 17 ans, les pieds sur terre, de bon conseil, calme, réfléchit, posé, convaincu, optimiste, oui, moi, la vraie personne, je n'ai jamais su gérer ma vie, mes émotions, mes pensées. Je n'ai jamais su rien faire d'autre qu'écouter le reste du monde me parler, et solutionner ses problèmes, pour ne pas être confronté au mien. J'ai beau jouer les narcissiques profondément mauvais, je n'ai jamais rien su être d'autre qu'une guimauve qui éponge la vie des autres pour rêver la sienne le soir.
Simplement parce que la vérité est inaudible, même pour moi, et que ça me fais mal de me taire. Vous savez, cette gêne inconnue, dont l'origine reste mystérieuse. Si, vous savez ça. Mais vous ne savez pas ce qui m'est imposé. Ce silence mortuaire, et la flamme de l'envie de crier qui mouronne les oreillers qui tapissent et molletonnent mon coeur. Besoin charnel de parler de moi ce soir, et qui sait, peut-être d'apprendre à recevoir ce que j'ai si souvent donné.
Ferme les yeux, respire. Tu es en vie, et c'est déjà beaucoup.