(La route est encore longue.)
Les mots transpercent l'air, l'espace le temps. Ils fusent, jettent leur douleur sur les gens. Ils découpent la vie, comme des ciseaux du papier. Ils tempèrent les uns, exultent les autres. Ils sont là, bouillonnants en chacun de nous. Le coeur aux aguets, les lèvres sèches, le cerveau en ébullition, les mains moites, les yeux humides. Ils conditionnent nos humeurs et démolissent nos rêves. Ils bourgeonnent lentement, pour finalement exploser en une seconde.
Stupeur. Rancoeur. Ardeur. Pâleur. Fadeur. Douleur. Peur.
Puisque qu'on se fout de tout, puisqu'on oublie le passé pour ne pas avoir de dettes, puisqu'on raye l'avenir d'un trait, seulement par orgueil. Je n'ai pas la force de mener cette bataille. A vrai dire, je n'en ai surtout pas l'envie. Qu'elle fasse sa vie sans moi, puisque la mienne ne l'intéresse pas. Je ne souhaite pas sauver les meubles si l'on laisse l'eau entrée à grandes vagues. Il n'y a rien à sauver pour qui veut tout sauver seul. L'aigreur des gens me tuera, si la solitude n'a pas fait le travail avant elle. L'on vient, l'on prend, l'on consomme, mais jamais l'on ne paye son tribu, jamais l'on ne rend. Ce soir, je n'ai pas mal. Non. J'ai appris à me foutre de ce petit rien, de cette petite épine qui égratigne mon pied. Si demain doit se faire sans, que demain se fasse, je pense aujourd'hui ne rien devoir à personne, m'être fait seul, à la sueur de mon esprit, à la douleur de mes pensées. Ce soir, je ne pense à personne, parce que pour une fois, c'est moi et moi seul qui suis maître à bord. Si mes considérations ne méritent pas de reconnaissance, si mon intérêt se fait sans retour, alors c'est que la relation n'est pas saine. J'ai toujours eu horreur des sens uniques, autant que le l'impasse me fait vomir. Si demain, comme les autres jours, je dois me lever seul, alors je le ferais, parce que rien ni personne n'altérera mon envie de vivre.
Si l'on devait mourir demain, moi, je danserais, pour ne pas avoir à penser.