[Nous étions nous même ce jour là.]
Il fut un temps où j'aurais eu la force de t'appeler. Même s'il est tard, et même l'orage gronde, au loin. A cette époque, c'est amusant comme l'on savait où l'on allait, et comment. Seulement les temps changent, et nous aussi. Je dois t'avouer que tu ne m'as pas fais pleurer, au contraire. J'ai ris, parce qu'il est indéniable que nous sommes de vrais manches lorsqu'il s'agit de communication. Ecrans interposés, comme d'habitude, parce qu'on ne sait faire que ça. Il arrivera un jour où l'on prendra le temps de se dire les choses, sincèrement, moi avec cette voix chevrotante dont j'ai si peur, et toi avec tes larmes chaudes dont le flot incessant me reste mystérieux. Oui, tu sais j'ai ris, parce qu'incontestablement, nous sommes incapable de nous passer l'un de l'autre, et qu'il semblerait que l'on soit autant ravagé l'un que l'autre par cette absence prolongée.
Et dieu seul sait pourquoi nous ne nous comprenons pas. Peut-être la faute à mon incapacité à assumer, et donc mon recourt permanent aux images et sous entendus. Peut-être la faute à ton manque cruel de tact, et donc ton incapacité à nuancer de façon satisfaisante pour toi comme pour moi. Peut-être qu'il y a des deux, finalement. Il n'en reste pas moins que nous sommes pareils, toi et moi. Dans le même bateau, pour filer ta métaphore, à se noyer après des naufrages dont l'on essaye de s'extirper. De fait, tu t'es heurté à un mur. Un mur que j'ai patiemment construit, jour après jours, depuis quelque temps déjà, et derrière lequel je me réfugie de plus en plus souvent. Parce que soutenir le regard de quelqu'un m'est devenu insoutenable. Parce que j'ai chaque jour plus honte de mentir. Le malaise est profond, probablement autant que le tien.
Et tu ne m'en voudras pas si je te dis que je n'ai plus la force qui m'habitait il y a quelques années. Je ne peux plus éponger inlassablement mes sanglots, les tiens, et ceux des autres qui m'ouvrent leurs coeurs. Je n'y peux plus rien, il m'est juste devenu impossible d'écouter avec la même attention qu'avant, parce que tes mots allument en moi beaucoup de choses, et ravive des douleurs que je m'efforce de calmer. Il n'est pas question de te rejeter la faute, simplement comprends que j'ai besoin de plus que d'être une épaule pour toi. Tu dis t'être demander qui est ton meilleur ami. Cette question est à double tranchant. Soit tu sais que c'est moi, et tu ne sais pas qui je suis, soit il s'agit d'un de ces autres, qui a plus de force que moi. Et dans aucun des deux cas, une fois de plus, je ne peux me permettre d'être en désaccord avec toi. D'abord, il est normal que tu sois aller parler à quelqu'un qui sache t'écouter, comme j'ai su le faire. Parce que mes murs sont insonorisés, et que j'ai préféré, inconsciemment, éteindre la sirène. Je l'ai déjà dis, mais il est devenu trop dur pour moi de porter mon fardeau seul, et en plus de me sentir impuissant face à tes propres déboires. Tu es une partie de moi, et te voir replonger, même petit à petit -parce que je l'ai vu- m'est très douloureux aussi. Pic de douleur, le corps et l'esprit se mettent en veille prolongée. Les médecins appellent ça le mode survit.
Ensuite, la réponse à la question "qui suis-je", nous la connaissons tous les deux. Seulement je n'ai pas non plus la force de l'admettre, et ce n'est nullement à toi de le faire. Et c'est de là que vient, je pense, le problème. Je me sens coupable autant que tu es coupable. Tu te sens coupable autant que je suis coupable. Ca n'a probablement pas de sens à tes yeux, mais crois moi que ça en a vraiment. Je me sens coupable de ne pas pouvoir t'aider, et tu es coupable de me demander de l'aide. Tu te sens coupable de ne pas pouvoir m'aider, mais je continue à te demander de l'aide. Mais de l'aide pour quoi ? Pour grandir. Seulement nos chemins se sont tellement éloignés, par la force des choses, qu'on ne sait plus réellement où l'autre en est.
Je n'avais pas réaliser, à sa juste valeur, la douleur que tu peux éprouvé. Mais toi, as-tu quantifié, si cela est possible, celle qui matraque mon esprit chaque jour ? Nous nous partageons les tords, mais nous sommes incapables d'y répondre. Et nous seront incapables de le faire tant que nous n'auront pas parler, franchement et sans peur, de là où nous en sommes et de ce dont nous avons réellement besoin venant de l'autre.
Les seules choses dont je suis vraiment sur, c'est que nous avons à prendre le temps de parler vrai, que nous avons à le faire loin des quolibets, des oreilles de nos familles, et, surtout, que tu manques à ma vie autant que l'eau à un assoiffé.
Va, repose toi.