"Le passé c'est le passé Darling, ça parasite le présent."
Edna Mode - Les Indestructibles.
Je ne suis pas vraiment sûr de ce que je ressens. Je ne suis pas vraiment sûr de pouvoir ressentir vraiment quelque chose, pas après tout cela. Le moins que l'on puisse dire c'est que rien n'allait plus vraiment sur la fin, mais en était-il au moins responsable lui, lui à qui on adresse tous les maux ? Je ne sais pas si c'est le cas, ou si le poison a été injecté par d'autres. Je ne sais pas si tout cela venait vraiment de sa part. Le fait est que je ne le saurais jamais maintenant, et qu'il est beaucoup trop tard pour recoller les quelques morceaux qu'il restait.
Et malgré tout j'ai ce petit pincement au coeur, qui s'est mué en grosses larmes de chagrin hier soir, dans la pénombre de ma chambre au beau milieu de la nuit. Fatigue et tristesse se conjuguent étonnamment bien. Je persiste à croire qu'on a le choix. Le choix de se souvenir des autres comme de gens bien ou pas. On a le choix des souvenirs que l'on veut entretenir, et je ne crois pas devoir faire celui de garder cette image terne. Libre à chacun de penser ce qu'il veut, mais je ne crois pas qu'il soit nécessaire de faire de ceux qui nous ont quitté les bourreaux de nos propres vies. Les circonstances ont été celles qu'elles ont été, et jamais rien n'effacera les blessures. Seulement je pense être libre de faire le choix de garder les bons souvenirs, ceux de joie plutôt que de la maladie et de la fin. Et qui pour m'en tenir rigueur ? Qui pour me reprocher de choisir d'avancer dans la vie avec pour seul fond de scène des images paisibles et joyeuses ?
Le fait est que nous, nous restons dans le monde des vivants, et qu'il vaut probablement mieux se souvenir de ce qu'il y a de meilleur que de ce qu'il y a de pire. Sans jamais occulter la vérité. Mais choisir de faire de ceux qui partent les coupables, je ne crois pas en être capable, je ne crois pas qu'il soit sensé de le faire. Seul le chagrin est susceptible de germer en moi. Le chagrin et l'envie de mieux. Du meilleur. Personne ne pourra jamais me reprocher d'attiser les haines du passé.
Quand à ceux qui pensent utile de le faire, grand bien leur fasse, je leur pardonne déjà, parce que tout le monde n'a pas la force de tenter de comprendre plutôt que de chercher des coupables à tous prix. Indéniablement, je préfère être à ma place aujourd'hui, du côté de ceux qui ont tenté de faire du bien, de ceux qui ont tenté de prolongé son aventure. Et j'espère qu'au moment des comptes, on saura débrouiller ce noeud sans fondement autre que la bêtise. Idiotie d'adultes, comme il en existe beaucoup.
Et alors que le pardon semble germer d'un côté de la serre, de l'autre l'amertume continue sa route. Je sais maintenant d'où me viens mon incontestable facilité au pardon et à la tolérance. Le fait est que j'ai le coeur assez gros pour tout le monde qui veut bien de lui, et je persiste à croire que s'était son cas. Mes yeux s'embrument de nouveau, peut-être parce que je réalise que je suis capable d'aimer, sans distinction et sans gradient, quiconque prend la peine de croire. Croire en moi, en nous, en la vie, en la possibilité de pardonner, de comprendre. Je persiste à croire qu'il a toujours sa place dans l'amour que j'entretiens pour les miens, parce que je ne laisserais jamais personne décider pour moi de qui j'ai le droit d'aimer ou pas.
" Bientôt la chute du piedestal,
L'ego nous sera bien égal,
Bientôt l'humilité.
L'humilité.
Le temps est à l'orage,
Aux autres le ciel bleu,
A d'autres le beau mirage,
Temps plus vieux. "
Zazie - Temps plus vieux